Fragments de H. H.-D. (023)



C’est la tête emplie de sombres pensées que je quittai le bureau à 18 heures sonnantes. En dépit du temps maussade, je décidai, pour essayer de me changer les idées, de longer les quais de la Seine puis de m’offrir à dîner dans un des restaurants du quartier de l'Hôtel de Ville.

    Arrivé aux environs du pont d’Arcole, le fracas d’une détonation, suivi d’un tumulte métallique, me tira brusquement de mes mornes ruminations. En me penchant au parapet j’aperçus une colonne de fumée noire qui s’élevait en aval du fleuve, à la hauteur des Tuileries me sembla-t-il. Autour de moi les passants s’étaient arrêtés et s’interpellaient avec des mines inquiètes et interrogatives ; des mots revenaient: collision fluviale, incendie, attentat... Bientôt les mugissements mêlés des sirènes de la police et des sapeurs-pompiers commencèrent de s’élever d’un peu partout et je vis une demi-douzaine de vedettes descendre la Seine à vive allure.
    Je hâtai le pas en direction de l’ouest et après dix minutes j’atteignis le pont Neuf. De là je pus réaliser que le sinistre n’avait pas pour théâtre les Tuileries mais la gare d’Orsay. Je traversai alors la Seine pour poursuivre ma progression sur la rive gauche. La circulation automobile y était pratiquement à l’arrêt et des agents de police s'évertuaient, à grands coups de sifflet, à dégager un couloir pour les véhicules de secours. Un peu plus loin la voie était barrée et le trafic dévié vers la rue des Saints-Pères. A partir de la rue du Bac, le secteur était totalement bouclé et il y régnait l’intense agitation des jours de désastre. Des postes de premier secours avaient été installés à la hâte. Des rescapés, enveloppés dans des couvertures, étaient assis sur des chaises pliantes et des blessés étaient transportés vers une noria d’ambulances et plusieurs hélicoptères médicalisés ou encore acheminés vers des vedettes fluviales, en contrebas. Les lances des camions de pompiers étaient déployées jusqu’à l’intérieur de la gare et une fumée sombre montait toujours au dessus de l’édifice.
     Je questionnai quelques personnes autour de moi. Le désastre, selon mes interlocuteurs, était dû à un déraillement suivi d’une forte explosion et d’un incendie. Il y aurait un nombre considérable de blessés et plusieurs morts. Je n’en apprendrai pas plus sur place. Je rebroussai chemin et rentrai chez moi pour écouter les bulletins d’informations.

   Les journalistes dans leur ensemble confirmaient, s’appuyant sur un communiqué de la Compagnie des Transports Ferroviaires, que deux trains de banlieue avaient déraillé presque simultanément en entrant en gare, à quelques voies de distance et qu’il s’en serait ensuivi un incendie dû à un court circuit électrique. On déplorait un bilan provisoire de vingt-six morts et plus de deux cents blessés. Les envoyés spéciaux semblaient ne pas avoir accès à l’emplacement même de la catastrophe, sans doute pour ne pas entraver le travail des sauveteurs, et se bornaient à décrire l’effervescence autour de la gare et à relater les réactions et commentaires de diverses personnalités officielles. En revanche aucune information n’était apportée sur la cause de l’accident et cela me chiffonnait. Un déraillement est chose hélas imaginable, mais deux en même temps, au même endroit, cela devenait franchement insolite. Une telle concomitance éliminait d’office la piste d’une défaillance humaine ou matérielle au sein des convois eux-mêmes et devait inciter à chercher plutôt du côté de l’infrastructure ferroviaire: l'état des voies, un problème de signalisation, d'aiguillage, un effondrement du ballast, que sais-je ? Or, rien de tout cela n’était évoqué.



     Dès mon arrivée à la Division, le lendemain matin, je me mis en quête, aussi discrètement que possible, de photographies relatives à l’accident. Je savais que ne n’aurais pas accès aux documents les plus confidentiels mais du moins espérais-je trouver peut-être matière à calmer ou à confirmer la suspicion qui m’habitait depuis la veille. Mes recherches furent plutôt infructueuses jusqu’à ce que je tombe sur quelques photographies aériennes. Si j’en crois la mention figurant dans le coin droit, elles auraient été prises aux alentours de 21 heures. Sur ces clichés, l’évacuation des victimes semble avoir été achevé mais la verrière aux trois-quarts effondrée laisse voir, à la lumière des projecteurs, l’horrible spectacle des rames éparpillées et des wagons brisés. Je ne pris pas le temps de les examiner en détail, j’en tirai des copies que je glissai dans mon porte-documents.

     Un je-ne-sais-quoi dans ces photographies avait pourtant attiré mon attention.

2 commentaires:

  1. Anonyme20:14

    la rencontre des trains serait la collision entre les deux univers parallèles... là où a été envoyé Blanchi qui n'est pas mort en réalité... eh eh
    ASD

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  2. Ce n'est pas un accident. C'est un attentat de ces contre révolutionnaires crypto-libéraux de sinistre mémoire...

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