Fragments de H. H.-D. (012)

Schrödinger se leva en prenant appui avec ses mains sur son bureau. A cet instant je remarquai sa pâleur et l'impression de fragilité que donnait sa personne. Il ouvrit la porte d'un petit coffre-fort à droite derrière lui et en retira un volume marron que je reconnus. "Vous vous souvenez de l'édition Foucquart que je vous ai montrée il y a quelque temps...
   - Celle qui a miraculeusement refait surface!
  - Ou qui n'a jamais vraiment disparu, mais c'est une autre question... Cette édition comporte, dans ses dernières pages, certaines poèmes dont le sens est intriguant et qui paraissent indiquer une attirance pour le merveilleux que l'on pourrait attribuer à sa fréquentation des préromantiques."

   Je transcris ci-dessous trois des poèmes que Schrödinger me donna à lire.



LE PROMENEUR

D’où venoit-il le promeneur,
De quel pays, quelle saison ?
Etoit-ce augure ou déraison,
Une apparition ou un leurre ?

Orphée de l'Erèbe bouté
Il arboroit, nimbé de gloire,
Du demi-dieu le front d'ivoire
Et du reclus le dos voûté.

Il me fit présent en silence
D'une étincelle de sapience
Et des arcanes de l'Automne.

Ce qui l'engendra le reprit.
Ce soir les flammes tourbillonnent
Près du lit de Sainte Marie


AILLEURS 


Ce soir j'ai dirigé mes pas
Par ce village aux rues anciennes
Vers une maison qui est mienne
Et que je ne reconnois pas.

Mon lévrier, tout excité,
Cours dans mes pieds, lèche mes mains.
Si fort je l'aime, mais demain
Il n'aura jamais existé.

Dans cette froide nuit d'hiver
D'innumérables univers
A chaque seconde s'éveillent.

Ces rimes jetées au lever,
Ailleurs, tandis que je sommeille,
Quelqu'un les aura achevées.


AETERNITAS 


Ce que j'écris en ce moment,
Je l'ai écrit, je l'écriroi,
Portant ce même vêtement
La même plume tremperoi
Dans cet encrier que voici,
Sous ce même toit abritée,
Pendant toute l'éternité.
    Et de chacun, ainsi.


 


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