Fragments de H. H.-D. (010)



"Ah! Henri, je vous dois pas mal d'explications!" Il me prit par le bras avec une familiarité inattendue et m'entraîna à l'intérieur. Nous traversâmes un vestibule circulaire, dallé et sonore, et Schrödinger me fit pénétrer dans une pièce octogonale aux murs presque entièrement garnis de rayonnages. Il écrasa sa cigarette dans un cendrier déjà débordant et en piocha immédiatement une autre dans un paquet posé sur le bureau puis il me désigna un fauteuil de cuir avachi: "Asseyez-vous donc, mais je ne vous propose pas d'ôter votre pardessus, notre système de chauffage est un peu défaillant."

   "Je sais les rumeurs qui courent sur mon compte, commença-t-il. Comme tout le monde, vous m'avez certainement trouvé changé à mon retour, nous en reparlerons, mais mon absence n'était pas due à des raisons de santé comme cela se murmure. Le motif officiel est que je suis allé participer à un congrès à l'étranger, ce qui n'est pas très éloigné de la vérité. Pour être plus exact, j'ai mis à profit ma présence à un colloque en Pologne pour pousser jusqu'à Vilnius, dans le but de chercher des réponses à un certain nombre de questions que je me posais.
   - En Lituanie...!
  - C'est cela, Vilnius capitale de la Lituanie. Mais aussi Vilna, la Jérusalem du Nord, capitale du Yiddishland, et l'une des villes les plus en pointe dans certains domaines de recherche.
   - Les questions auxquelles vous faites allusion ont-elles un rapport avec le travail à la Division ?
   - En un sens, oui. Voyez-vous, tout a commencé avec la disparition des ouvrages de Geneviève d'Aulnoye. Cette affaire était plus du ressort de l'Intérieur que de celui du Commissariat à l'Intelligence, néanmoins, arguant du fait que la Bibliothèque Nationale des Rimes et Inscriptions se trouvait être un établissement placé sous notre tutelle, j'ai obtenu que nous soyons associés aux recherches. Il m'a fallu pour cela batailler ferme avec le Divisionnaire Wiesner qui ne voulait pas en entendre parler, et je ne vous parle pas de Larcher qui a fait des pieds et des mains pour que je ne vous confie pas la compilation...
   - Et qui accapare aujourd'hui tout mon temps avec le recensement, soudain prioritaire, des sépultures bretonnes!"
   Il eut un petit ricanement. "Oui, il vous a mis le grappin dessus dès qu'il a pu. Il a récupéré mes compilateurs durant mon absence et maintenant sa crainte est que vous travailliez pour moi en sous-main. Et c'est d'ailleurs ce que je comptais vous demander!" ajouta-t-il.

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