Fragments de H. H.-D. (002)

Les choses ont commencé il y a deux mois lorsque je fus convoqué dans le bureau du superviseur Schrödinger. Il n'est pas fréquent qu'un agent de compilation soit appelé personnellement chez un superviseur. Pour ma part cela ne m'était encore jamais arrivé, les seuls échanges verbaux que j'avais avec Schrödinger se limitaient au cadre des conférences de travail hebdomadaires du jeudi.

   "Vous avez travaillé sans compter votre temps sur le dossier d'Aulnoye, me déclara-t-il, aussi je pense que vous allez apprécier cette surprise." Il ouvrit un tiroir de son bureau et en sortit une boîte en carton qu'il me tendit. A l'intérieur, un volume in-12, demi-basane marron foncé dont j'avais vu la photographie à maintes reprises. Je le parcourus avec précaution: c'était le deuxième tome des oeuvres complètes de Geneviève d'Aulnoye, dans l'édition Foucquart de 1787. Il me regardait, l'oeil amusé derrière ses grosses lunettes d'écaille, visiblement ravi de son petit effet. "Un bibliophile ferait peut-être la fine bouche, fit-il, puisque nous n'avons malheureusement là qu'un tome sur les cinq répertoriés. D'un autre côté, vous avez entre les mains l'unique exemplaire subsistant, à notre connaissance, des oeuvres de cette chère poétesse." Il ne m'expliqua pas comment comment il était entré en possession du livre, se bornant à me déclarer que la procédure à ce sujet n'était pas close.


   Comme je me levais pour prendre congé, il me lança: "Que savez-vous de la mort du président Blanqui?
- Ma foi, ce qu'on nous en apprend à l'école, répondis-je, un peu déconcerté. Il est décédé dans l'incendie de sa maison, quelques jours après son élection à la présidence de la République Sociale. C'était en 1875 si je ne m'abuse.
- Bien, bien..."

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